L'Ours a écrit :
Concernant ce livre de Sylvain Tesso, et celui de son passager Cédric gras, j'avais écrit ceci:
""Sylvain Tesson aurait du titrer ce récit de voyage « MA Bérézina » ! Voyage en side-car, « Moscou-Les Invalides » qui retrace, ce mot là est utile, la retraite des grognards de Napoléon. « Sur cette route, des hommes s’entre dévorèrent » ( cf. : Le Fig-mag du 23/24 Jan 2015).
Un extraordinaire retour sur l’histoire : …« Quatre mille kilomètres à 80 km/h sur des motos Oural de l’ère soviétique, avec pour carburant de l’essence et de la vodka au poivre »…
… « Il se souvient des soldats tombés et des bêtes sacrifiées (« Personne n’a célébré les chevaux de 1812 à la juste hauteur de leurs souffrances ») tous victimes d’un Napoléon mégalo qui ne saisit pas l’ampleur du désastre, pense se refaire facilement, sarkozien à la puissance dix mille (« il entreprit tout il n’acheva rien ») »… (cf : Le Canard Enchaîné du 11/02/2015 rubrique « Lettres ou pas lettres).
Extrait : … « Ce matin, le froid tenait ses positions. La route filait au cordeau. L’horizon reposait, rectiligne. La plaine était offerte aux vents. Bouquet d’ajoncs givrés, bouquets de bouleaux, marais : Triptyque de la Mazovie. Ces étendues sans obstacles étaient des champs de bataille parfaits. Ou plutôt des espaces de manœuvres pour la cavalerie. Au XXème siècle, panzers et T34 s’en étaient donnés à cœur joie. Le paysage entier en avait gardé une sorte de harassement. Les nids de cigognes vides sur les pylônes rajoutaient au sentiment d’abandon. Pas une silhouette dans les villages : L’humanité se carapatait près des poêles. La Pologne très catholique passait sous nos roues : Les plus petits des hameaux étaient plantés de cathédrales disproportionnées. Il y avait presque autant de vierges et de calvaires que bornes kilométriques. Comme la contemplation du paysage n’offrait qu’un divertissement relatif, je laissais rouler cette question dans mon casque : Napoléon, tyran ou libérateur ? « …
Un récit passionnant fondé sur une idée extraordinaire. Un de ces challenges qu’on ne peut oublier. L’écriture, souvent allégorique, est un régal.
Quand à celui de Cédric Gras, qui accompagna Tesson dans son périple comme passager, et qui est tout aussi intéressant, sinon plus pour les amateurs de récits de voyages en Russie, j'avais écrit ceci:

Il était accompagné de son acolyte de Cédric Gras, lui aussi auteur d’un récit de voyage. Mais il s’agit là de la Russie extrême-orientale.
…« Cédric gras était de l’aventure, copain de Tesson et amoureux comme lui de la Russie. Son « Hiver aux trousses » est une très belle idée : suivre l’automne qui descend vers le sud. A partir des contrées polaires, Cédric gras marche vers Sakhaline et Vladivostok. La neige le poursuit, il la devance « comme un oiseau migrateur à grands coups d’ailes », avec pour tout bagage un sac, mais dans la tête, une bibliothèque entière »… nous dit Frédéric Pagès (cf : Le Canard Enchaîné du 11/02/2015 rubrique « Lettres ou pas lettres).
Extrait : … « Pour tromper mon ennui divin – j’étais aux anges de languir sur cet ilôt perdu – je fis ouvrir le petit musée voué au silence et à la solitude. La directrice était une ancienne géologue échouée sur ces confins de l’Union, prise au piège par la brusque décrue soviétique. Les prospecteurs surpris par la chute soudaine du mur de Berlin s’étaient reconvertis comme ils l’avaient pu alors que tout l’édifice s’écroulait. Beaucoup de solitaires et de célibataires dans ces contrées pionnières et sans femmes se suicidèrent. Il est un moment dans l’existence où ce n’est pas tant la misère sexuelle que l’absence d’êtres à chérir et à protéger qui vient à bout de l’envie d’exister encore.
L’Occident dira ce qu’il voudra, mais en Russie profonde le sens de la vie est toujours de la donner »…
L’écriture, humaniste et parfois d’une poésie presque languissante, apporte un plaisir supplémentaire à la lecture d’un français parfait. Voyage héroïque, dérangeant notre petit confort douillet dans une France où 10 cm de neige nous paralysent ! A lire…
Bonnes fêtes à tous
Philou